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peu de crimes dont vous ne la vouluſſiez abſoudre ſans punition, ſi elle les avoit commis. Il eſt vray, reprit Artemon, que je ſuis fort perſuadé de ſa vertu : & tres vray encore, que je crois que c’eſt entreprendre ſur l’authorité des Dieux, que de vouloir punir des crimes qui ſe paſſent dans le fond du cœur, ſupposé meſme qu’ils y ſoient : & que par conſequent eux ſeuls peuvent bien cognoiſtre. Quoy qu’il en ſoit, dit Otane, je ne veux point accepter une choſe qu’un homme que je voudrois avoir poignardé m’a fait donner. Comment, interrompit Artemon extrémement ſurpris, apres avoir reçeu les complimens de toute une grande Ville, qui s’eſt venu réjoüir avecques vous, vous refuſerez ce Gouvernement que vous avez accepté ? Ouy, dit-il ; je le refuſeray : & je rens graces aux Dieux, de ce que je ne devois eſcrire que demain à Ciaxare, pour le remercier de ce beau preſent. Mais que direz vous à tous ceux qui vous ſont venus voir, quand vous leur rendrez leur viſite ? interrompit Artemon. Je ne leur en rendray point, dit-il ; & ſi quelqu’un me rencontre, & me preſſe de luy dire mes raiſons, je luy aprendray que je ne puis pas ſouffrir qu’Ameſtris aime encore Aglatidas : & ait une intelligence avecques luy : que je ſuis trop genereux, pour recevoir un bien-fait de mon ennemy : & pour endurer qu’il triomphe du cœur d’Ameſtris, qui ne doit eſtre qu’à moy. Mais, luy dit Artemon, ne craignez vous point que Ciaxare & Cyrus ne s’offencent, de voir que vous refuſerez une choſe comme celle là ? je ne crains rien tant, luy reſpondit-il, que d’eſtre obligé par Aglatidas : mais que dis-je obligé ? reprit-il, diſons pluſtost outragé. En effet quelle injure plus grande pouvoit il me faire que celle là ?