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belle aux yeux de tous ceux qui la voyoient : ainſi il ne craignoit pas ſeulement Aglatidas ; & il en vint au point, que ſes plus proches Parens & ſes meilleurs Amis, luy donnerent de la jalouſie. Artemon meſme ne fut pas privilegié : & s’il y eut quelque difference de luy aux autres, ce fut qu’Otane luy teſmoigna ſa jalouſie avecque moins d’aigreur : & qu’Artemon la ſouffrit avec plus de patience & moins de malice que beaucoup d’autres, qui eſtoient bien aiſes de le perſecuter. Mais enfin, il falut que Menaſte s’en retournaſt à Ecbatane, & qu’Artemon l’y remenaſt : la ſeparation de ces deux Amies fut d’autant plus faſcheuse, qu’elles ne pûrent ſe parler qu’un quart d’heure en particulier : encore falut-il qu’Artemon employaſt toute ſon adreſſe, pour leur faire avoir cette legere conſolation. Ce genereux Amy fit promettre en partant à Otane, qu’il ne parleroit plus jamais d’Aglatidas à Ameſtris, & qu’il vivroit bien avec elle ; parce qu’autrement il ſe pleindroit de luy en ſon particulier. De plus, comme il jugeoit qu’Ameſtris ſeroit encore mieux à Ecbatane, quoy qu’elle n’y viſt perſonne, que d’eſtre à la campagne, ou. Elle verroit eternellement ſon Mary : il luy fit un diſcours adroit, où juſtifiant toûjours Ameſtris, il luy donnoit pourtant lieu de craindre qu’Aglatidas n’entrepriſt pluſtost de la voir aux champs qu’à la ville. Ce n’eſt pas luy diſoit-il, que je ſoupçonne Ameſtris d’eſtre capable d’y rien contribuer : Mais apres tout, vous sçavez bien qu’Aglatidas l’a aimée avec une paſſion extréme : & ſelon les apparences, il ne la hait pas encore. De ſorte que deſesperé qu’il eſt, que vous ſoyez plus heureux que luy, il pourroit ſans doute