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que vous avez euë pour moy, en quittant la ſolitude comme vous avez fait à ma priere : mais comme vous avez paſſé d’une extremité à l’autre, s’il eſt vray que vous vous contraigniez en voyant le monde, vous m’obligerez de ſuivre voſtre inclination, & de ne le voir plus. Seigneur (luy dit-elle avec beaucoup de joye ſur le viſage) vous me faites un plaiſir ſignalé, de me delivrer de la peine que j’avois à vous obeïr : mais afin que la choſe ſe face avec plus de bien-ſeance, je crois que ce ne ſeroit pas mal fait de faire un voyage à la campagne ; afin qu’à mon retour je reprenne ma ſolitude, ſur le pretexte de m’y eſtre accouſtumée aux champs. Otane ſurpris de voir le peu de repugnance qu’avoit Ameſtris à ſe priver de la converſation de tant d’honneſtes gens qui la voyoient : au lieu de luy en sçavoir gré, en devint plus reſveur & plus inquiet : & il penſa encore changer d’avis. Neantmoins il la prit au mot : & ſans differer davantage, il luy dit qu’il faloit partir dans deux jours, & en effet ils partirent : Ameſtris menant avec elle ſa chere Menaſte, pour la conſoler dans ſes déplaiſirs. Artemon ayant sçeu le deſſein d’Otane, le fut trouver pour l’en divertir ; mais il ne luy fut pas poſſible : & deux jours apres ſans qu’Ameſtris allaſt dire adieu à perſonne, elle s’en alla aux champs : avec intention, ſi elle le pouvoit, de n’en revenir de tres longtemps : tant pour joüir en repos de la ſolitude, que pour cacher autant qu’elle pourroit la bizarrerie de ſon Mary. Elle partit donc avec quelque eſpece de joye : mais pour Otane, le changement de lieux ne changea point ſa mauvaiſe humeur : car encore qu’il remarquaſt qu’Ameſtris avoit pour