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luy promit en effet de sçavoir ce qu’Otane avoit dans l’eſprit : mais comme il ne pouvoit conſentir de voir renfermer Ameſtris, il voulut prendre un autre chemin : & ſe ſouvenant qu’Otane, pour empeſcher qu’on ne diſt qu’il eſtoit jaloux, s’eſtoit reſolu de ſouffrir que ſa Femme viſt tout ce qu’il y avoit d’honneſtes gens à Ecbatane : il creut encore que luy aprenant de nouveau que ſa façon d’agir l’expoſoit au meſme malheur, il s’en corrigeroit peut eſtre une ſeconde fois. Mais il n’en alla pas ainſi : car dés qu’Artemon luy eut dit que ſon aſſiduité aupres de ſa Femme ; ſes ſoings extraordinaires de sçavoir ce qu’on luy diſoit & qui la voyoit quand il n’y eſtoit pas ; luy redonnoient deſja la meſme reputation qu’il avoit euë, lors qu’Ameſtris ne voyoit perſonne : puis que cela eſt, luy dit il l’eſprit fort irrité, jaloux pour jaloux, il faut du moins que je le ſois ſeurement : & puis que ſoit qu’Ameſtris voye le monde ou qu’elle ne le voye pas, je dois touſjours eſtre regardé comme ayant de la jalouſie : j’aime encore mieux ne voir pas eternellement ma maiſon remplie d’oiſifs & de faineants, qui paſſent toute leur vie à dire des bagatelles, & des choſes inutiles. Artemon fut ſi ſurpris d’ouïr parler Otane de cette ſorte, qu’il eut deux ſentimens fort oppoſez preſques en un meſme inſtant : car il ne put s’empeſcher d’avoir une envie de rire eſtrange, de voir la bizarrerie d’Otane : & un moment apres, d’avoir auſſi une tres ſensible douleur, de voir à quelle perſecution Ameſtris eſtoit expoſée. Il fit donc tout ce qu’il put, pour remettre la raiſon dans le cœur d’Otane, mais il luy fut impoſſible : & dés le ſoir meſme, ſans attendre davantage ; Madame, dit-il à Ameſtris, je ſuis ſatisfait de la complaiſance