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comme au Mary d’Ameſtris qu’on les luy rendoit, que pour l’amour de luy ſeulement : de ſorte que ſon chagrin recommença d’eſtre plus fort qu’auparavant. Il n’avoit pourtant pas deſſein de le témoigner ouvertement : mais quoy qu’il peuſt faire, on s’en aperçeut bien-toſt. Il recevoit les civilitez qu’on luy faiſoit, d’une façon ſi contraire, il les rendoit ſi froidement ; & il eſtoit ſi aſſidu chez luy contre ſa couſtume ; qu’en fort peu de jours ſa jalouſie fut connuë de tout le monde : & meſme plus connue que lors qu’Ameſtris ne voyoit perſonne : puis qu’en ce temps là on ne faiſoit que le ſoupçonner d’eſtre jaloux, & qu’en celuy-cy on ne pouvoit pas en douter : ſes regards, ſes paroles, ſes actions, & toutes ſes inquietudes, eſtant des preuves convainquantes, des plus ſecrets mouvemens de ſon cœur. Et comme les domeſtiques ſont pour l’ordinaire des eſpions qui revelent le ſecret de leurs Maiſtres à tout le monde : on sçeut par ceux d’Otane qu’il ne rentroit jamais chez luy, qu’il ne fiſt demander à ſon Portier qui eſtoit venu voir Ameſtris ; qui y eſtoit encore ; ſi quelqu’un qu’il faiſoit nommer y avoit eſté longtemps ; s’il y avoit eſté ſeul ; s’il ne venoit que d’en ſortir ? & cent autres choſes ſemblables, qui firent que l’on reparla de ſa jalouſie plus que devant.

Il commença meſme auſſi de donner de nouvelles marques de ſon chagrin à Ameſtris, qui s’en pleignit à Artemon, qui luy témoignoit touſjours beaucoup d’amitié : je priant de vouloir sçavoir ce qu’Otane avoit dans le cœur : & l’aſſurant que ſi c’eſtoit qu’il eût change d’avis, & qu’il ne trouvaſt plus bon qu’elle viſt le monde, elle luy obeïroit avec beaucoup plus de joye, qu’elle n’avoit fait en le revoyant. Artemon