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n’en fit pas un ſecret : & regardant Ameſtris, quoy qu’il en ſoit, dit-elle, vous me devez avoir quelque obligation de vous avoir autrefois oſté le cœur d’Aglatidas : car puis qu’il eſt ſi inconſtant, vous devriez en effet, ce me ſemble, me sçavoir aujourd’huy autant de gré, que vous me vouluſtes de mal, lors qu’il eut l’injuſtice de quitter vos chaines pour prendre les miennes. Comme je ne vous hays point en ce temps là, repliqua Ameſtris, ſouffrez que je ne vous remercie pas en celuy cy : car auſſi bien puis que ce n’eſt que l’intention qui donne le prix aux bons offices, je ſuis aſſurée que je ne dois pas vous faire beaucoup de complimens pour celuy-là. J’advoüe, dit Anatiſe, que je n’avois pas deſſein de vous obliger : & advoüez auſſi, repliqua Ameſtris, que vous n’aviez pas ſujet de faire tant de vanité d’une conqueſte que vous avez ſi peu gardée. Cependant, adjouſta-t’elle, comme Aglatidas ne ſonge peut-eſtre gueres plus à vous qu’à moy, il me ſemble que c’eſt luy faire trop de grace de parler ſi longtemps de luy. Ameſtris dit cela d’une certaine maniere, qui ſurprit un peu Anatiſe : & il luy ſembla qu’elle avoit trop peu d’aigreur pour Aglatidas, veû celle qu’elle sçavoit qu’elle avoit euë autrefois : car elle ne pouvoit croire qu’Otane pûſt l’avoit conſolée de cette perte ; ſi bien qu’elle s’en retourna chez elle l’eſprit un peu inquiet. Ameſtris veſcut donc quelque temps de cette ſorte : mais enfin Otane voyant ce grand nombre de monde qui la viſitoit, & remarquant qu’il y avoit meſme pluſieurs perſonnes qui affectoient d’avoir plus de complaiſance pour luy qu’à l’accouſtumée ; il jugea par ces ſoings extraordinaires que l’on avoit de luy plaire & de le divertir, que c’eſtoit plûtoſt