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il me fera la grace de me le dire : car je ne doute pas que cela n’arrive bien-toſt. Artemon apres avoir aſſuré Ameſtris qu’il la ſerviroit en toutes choſes, fut porter cette nouvelle à Otane qui eut quelque ſatisfaction de la deference qu’elle avoit pour luy : il ne fut touteſfois pas entierement content, parce que cela ne luy aprenoit point ny pourquoy elle l’avoit épouſé ſi bruſquement ; ny pourquoy elle avoit tout d’un coup aimé la ſolitude. Mais enfin trouvant beaucoup d’obeïſſance dans le cœur d’Ameſtris, il ne pouvoit pas avec toute ſa bizarrerie, trouver un pretexte raiſonnable de s’en pleindre.

Voila donc Ameſtris, quoy qu’avec une repugnance extréme, qui ſouffre de nouveau d’etre veuë : & en moins de quatre jours le bruit s’eſtant épandu qu’elle eſtoit viſible, toute la Cour & toute la Ville fut chez elle : & quoy qu’elle fuſt beaucoup plus melancolique qu’elle n’eſtoit autreſfois ; comme elle ne pouvoit pas faire qu’elle ne fuſt toujours tres belle & tres ſpirituelle ; & que de plus elle eſtoit touſjours douce & civile, il y eut une joye univerſelle dans Ecbatane, d’avoir retrouvé un threſor que l’on croyoit perdu. Il n’y avoit point d’honneſte homme qui ne luy propoſast quelque divertiſſement, & qui ne s’empreſſast à luy donner des marques d’eſtime & de complaiſance. On euſt dit que c’eſtoit une perſonne nouvellement venue : & qui par ce charme ſecret qui ſuit ordinairement la nouveauté, attiroit tout à elle : eſtant certain que toutes les autres maiſons eſtoient deſertes & ſolitaires ; en comparaiſon de la ſienne. Ceux qui avoient deſſein de luy plaire, n’arrivoient pourtant pas à leur fin : car elle ſe trouvoit ſi malheureuſe, de vivre