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certain que les petits maux augmentent quelqueſfois par les remedes. Celuy que je ſens, reprit-il, n’eſt pas de ceux que l’on peut apeller petits : je ne voy pourtant pas, repliqua Artemon, par où vous le pouvez nommer grand. Peut on avoir un plus grand mal, reprit Otane, que de voir que ce qui devroit faire ma felicité fait mon infortune ? Mais pourquoy n’eſtes vous pas heureux ? interrompit Artemon, Ameſtris n’eſt elle pas une des plus belles Femmes du monde ? n’eſt elle pas encore une des plus riches perſonnes de ſa condition ? n’a t’elle pas autant d’eſprit que de richeſſes & de beauté, & plus encore de vertu que de beauté, d’eſprit, & de richeſſes tout enſemble ? N’eſt elle pas douce & complaiſante pour vous, que vous faut il davantage ? je voudrois voir, repliqua t’il, juſques dans le fond de ſon cœur : & ſi elle n’y a rien que ce qu’elle vous dit, répondit Artemon, que voulez vous qu’elle vous die ? le veux du moins (repartit il à demy en colere) qu’elle me die un menſonge vray ſemblable, pluſtost que de ne me dire rien. Artemon voyant qu’Otane ſe fâchoit, ne voulut pas l’irriter davantage, de crainte de s’oſter les moyens de pouvoir ſervir Ameſtris : car encore qu’il fuſt ſon Parent, il n’eſtoit pourtant ſon Amy que par conſideration & par generoſité : & : entre Ameſtris & luy, il n’auroit pas balencé à prendre party : sçachant bien que celuy de la raiſon, ne pouvoit jamais eſtre celuy d’Otane. Cependant jugeant qu’il eſtoit à propos d’avoir quelque complaiſance pour luy, il luy demanda s’il vouloit qu’il parlaſt à Ameſtris ; mais l’Eloge qu’il venoit de luy en faire, fit qu’il ne voulut pas luy en donner la commiſſion : car Otane eſtoit d’humeur à ne pouvoir