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qu’ils l’ennuyoient infiniment. Si on loüoit quelque honneſte homme, l’image d’Aglatidas luy aparoiſſoit : ſi on blaſmoit quelqu’un, le ſouvenir d’Otane luy faiſoit baiſſer les yeux de confuſion : & il n’eſtoit point de converſation ou elle ne trouvaſt quelque choſe de fâcheux. Il luy ſembloit meſme que tous ceux qui la regardoient, la blâmoient d’avoir épouſé Otane : ſi bien que ayant vécu trois ou quatre jours de cette ſorte, & ne pouvant ſe reſoudre de continuer davantage, elle feignit de ſe trouver mal, afin de ne ſortir plus, & de ne recevoir plus de viſites. Mais comme elle ne pouvoit pas tromper Otane ſi aiſément que le reſte du monde qui ne la voyoit pas, ſes inquietudes redoublerent encore ; & ſans sçavoir ce qu’il avoit, il ſouffroit pourtant tous les ſuplices d’un jaloux, & plus meſme qu’un jaloux ordinaire ne peut ſouffrir. Car du moins ceux qui ont de la jalouſie, sçavent ſur quoy ils la fondent : au lieu qu’il ne pouvoit meſme ſeulement imaginer par quelle raiſon il eſtoit ſi tourmenté. Il ſe reſolut pourtant à la fin de tâcher de s’en éclaircir, & ne pouvant meſme renfermer toute ſon inquietude dans ſon cœur, il découvrit toutes ſes plus ſecrettes penſées à Artemon : qui apres avoir bien obſervé ſes tranſports, & bien écouté ſes pleintes & ſes raiſons, ſe trouvoit bien, empeſché à determiner quel eſtoit le mal de ſon Parent. Car, luy diſoit-il, on ne peut pas dire que vous ſoyez jaloux, puis que voſtre inquietude n’a point de cauſe qui puiſſe la faire nommer ainſi. Ameſtris ne voit & ne veut voir perſonne, Ameſtris eſtant libre vous a choiſi & vous a épouſé, que voulez vous davantage ? je veux, luy dit-il, sçavoir preciſément pourquoy tout d’un coup elle