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non, luy dit Artemon, vous ne me perſuaderez pas : & eſtant autant voſtre Amy que je le ſuis, vous me devriez confeſſer voſtre foibleſſe ingenûment. Je diray apres ce qu’il vous plaira à tout le monde : mais de vouloir me faire croire qu’Ameſtris qui a paſſé toute ſa vie dans la converſation de tous les honneſtes gens, & dans tous les plaiſirs, change tout d’un coup le lendemain de ſes Nopces, ſans que vous le veüilliez, ou du moins ſans qu’elle ait connu qu’elle vous plairoit, ſi elle vivoit de cette ſorte, c’eſt ce que je ne sçaurois faire. Je vous proteſte, luy dit Otane, que je n’ay aucune part au changement d’Ameſtris ; & je vous proteſte, repliqua Artemon, que je ne vous croiray pas. Cependant, luy dit-il, pour vous parler ſincerement, croyez Otane, qu’Ameſtris eſt trop jeune, pour vouloir exiger d’elle une choſe où elle eſt ſi peu accouſtumée : & j’ay oüy dire à diverſes perſonnes, qu’un Mary jaloux ſans ſujet, ſe met quelquefois en termes de l’eſtre un jour avecques raiſon. Je sçay bien, adjouſta-t’il, que la vertu d’Ameſtris eſt ſi grande, que vous n’eſtes pas expoſé à ce malheur : mais apres tout, il n’y a pas grand plaiſir d’eſtre l’entretien de tout le monde : & plus une Femme eſt vertueuſe, plus le Mary paroiſt bizarre, & plus on en fait de contes quand il eſt jaloux. C’eſt pourquoy ſi vous m’en croyez, vous ne le ferez plus : ou ſi vous ne pouvez vous en empeſcher, du moins vous le cacherez. Un Amant, adjouſta-t’il, peut eſtre jaloux ſans deſhonneur : & il ne ſeroit preſques pas dans la bien-ſeance d’eſtre long-temps amoureux, ſans avoir un peu de jalouſie : mais pour un Mary, il ne sçauroit témoigner d’en avoir, ſans s’expoſer à ſe faire mocquer de luy. Je sçay bien qu’il y a quelque injuſtice d’excuſer l’un &