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dancer en cadence, bien loing de m’y divertir : la Muſique meſme, ne feroit qu’entretenir la melancolie dans mon cœur, au lieu de l’enchaſſer : & pour les nouvelles, comme vous le sçavez, elles ne divertiſſent fort, que certaines gens qui s’intereſſent en toutes les affaires qui ne ſont pas les leurs : & par conſequent elles ne me divertiroient pas : moy, dis je, qui ne ſonge qu’à ce qui me touche, & qui ne me ſoucie gueres du reſte. Concluons donc, Menaſte, que la promenade ſolitaire eſt le ſeul divertiſſement que je puis prendre : car pour celle que vous entendez, qui fait que l’on ne va ſur les bords de l’Oronte que pour voir, & pour eſtre veuë, elle n’eſt pas preſentement à mon uſage. Je n’y verrois ſans doute rien qui me pleuſt : je ne ſuis pas en eſtat de plaire, & je n’en ay pas le deſſein : & peut-eſtre meſme, adjouſta t’elle encore, que pour augmenter mes malheurs (ſi toutefois cela eſt poſſible) Otane deviendroit il jaloux, ſi je vivois comme vous me le conſeillez. Mais comment pretendez vous donc vivre ? luy demanda Menaſte ; je pretens, luy repliqua t’elle vivre comme une perſonne qui veut bien toſt mourir. Cette reſolution eſt : trop funeſte & trop violente, reprit Menaſte, mais du moins ne me banniſſez pas comme les autres : Vous m’eſtes trop chere, luy dit Ameſtris, pour en avoir la penſée : touteſfois comme vous ne pourriez me voir ſouvent qu’en vous baniſſant de tout le reſte du monde, je dois meſme me priver de la ſeule conſolation que je puis recevoir, qui eſt celle de voſtre entretien. Menaſte luy fit alors de nouvelles proteſtations d’amitié : & elles ſe ſeparerent de cette ſorte.

Cependant Ameſtris ne manqua pas de faire ce qu’elle avoit dit : &