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ntmoins elle la garda, & ne la rendit pas à Menaſte. En ſuitte venant à repaſſer enſemble la bizarrerie de toutes ſes advantures ; mais enfin, luy dit Menaſte, les choſes paſſées n’ayant point de retour, il faut faire effort ſur vous meſme, afin de vous conſoler. Ha Menaſte, s’écria Ameſtris, que ce conſeil eſt difficile à pratiquer, & qu’il eſt malaiſé de trouver de la conſolation, lors que l’on eſt contraint de voir à tous les momens ce que l’on hait, & de ne voir jamais ce que l’on aime. Tout à bon, luy diſoit elle, depuis le moment qu’Aglatidas a eſté juſtifié dans mon eſprit, l’averſion que j’avois touſjours euë pour Otane s’eſt ſi fort augmentée, que je ne sçaurois dire ſi je ſouffre plus de ne voir point Aglatidas, que de voir eternellement Otane. Car encore quand je ne voy point Otane, je n’ay que la moitié de mes malheurs, parce que bien ſouvent je penſe à Aglatidas, ſans me ſouvenir d’Otane : mais pour Otane, j’advouë ma chere Menaſte avec confuſion, que je ne le sçaurois voir, ſans penſer à Aglatidas, & ſans le regarder en meſme temps, comme le deſtructeur de ma felicité & de la ſienne. Je fais tout ce que je puis pour n’en uſer pas ainſi ; mais je ne sçaurois m’en empeſcher : Otane ne fait pas une action, ny ne dit pas une parole qui ne me déplaiſe : & qui ne me fane ſouvenir qu’Aglatidas m’en a dit autrefois cent mille fort agreables. Cependant ne pouvant eſtre Maiſtresse des ſecrets mouvemens de mon cœur, je taſche touteſfois de l’eſtre de ceux de mon viſage en ſa preſence : & sçachant enfin qu’il eſt mon Mary ; que les Dieux, la vertu, & la bien ſeance veulent que je luy obeïſſe, & que j’aye de la complaiſance pour luy, je le fais : mais c’eſt avec une repugnance ſi