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de vaincre dans ſon eſprit, ce qui vouloit troubler ſa bonne fortune : & en effet il fut quelques jours, durant leſquels il eſſayoit de ſe perſuader qu’il devoit eſtre content.

Pour Ameſtris, elle eſtoit dans des ſentimens qui n’étoient pas douteux comme ceux d’Otane : & elle sçavoit bien qu’elle eſtoit la plus malheureuſe perſone de la Terre : principalement depuis qu’elle avoit connu l’innocence d’Aglatidas. Car auparavant, quoy qu’elle euſt pour Otane une averſion extréme, neantmoins elle avoit quelque conſolation à eſperer qu’elle deſabuseroit Aglatidas de l’opinion qu’il avoit euë d’elle : & que s’il eſtoit une fois deſabusé, elle ſe vangeroit cruellement de luy. Mais en l’eſtat qu’eſtoient les choſes, sçachant que ſi elle n’euſt point eſpousé Otane, elle euſt eſté heureuſe, & qu’Aglatidas euſt eſté content, elle ſouffroit une peine qui ne ſe peut concevoir. Elle ne pouvoit pas pour ſe conſoler, en accuſer celuy qui la luy faiſoit ſouffrir : & elle ne pouvoit s’en prendre qu’à elle meſme. Cependant Aglatidas en partant, ayant envoyé une Lettre à Menaſte, pour la donner à Ameſtris, cette perſonne s’aquita de ſa commiſſion & la luy rendit : ce ne fut pourtant pas ſans peine qu’elle la fit reſoudre à la reçevoir : car comme Ameſtris eſt auſſi vertueuſe que belle, elle trouvoit que c’eſtoit faire quelque choſe contre la vertu, que de ſouffrir qu’Aglatidas luy donnaſt encore de nouvelles marques d’amour. Toutefois elle la leut, apres que Menaſte luy eut promis que ce ſeroit la derniere dont elle ſe chargeroit : & comme elle n’eſtoit pas longue, je penſe que voicy à peu prés ce qu’elle contenoit.


LE MALHEUREUX AGLATIDAS,