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des ſiens, & qui m’a revelé tous ſes ſecrets.

Mais Dieux, que de bizarres penſées l’entretinrent durant cette promenade, & qu’il ſe punit rigoureuſement luy meſme de ſon propre caprice : Il rapella alors dans ſon eſprit toutes les rigueurs qu’Ameſtris avoit euës pour luy : il ſe ſouvint de toutes les marques de meſpris qu’elle luy avoit données : de la difference qu’elle faiſoit de luy à Aglatidas & à Megabiſe : & il n’oublia rien de tout ce que cette belle Perſonne avoit fait à ſon deſavantage, ou à l’avantage de ſes Rivaux. Cependant (diſoit il apres s’eſtre bien ſouvenu de toutes ces choſes) je ſuis poſſesseur d’Ameſtris : & tous ces Rivaux autrefois plus heureux que moy en apparence, ſont malheureux en effet. Que veux je donc ? diſoit il, & que peut il manquer à mon bonheur ? Il ſe promenoit alors avec un peu plus de tranquilité : & croyant avoir bien eſtably ſon repos : il vouloit détacher ſon eſprit de toutes ces choſes : & il penſoit eſtre en eſtat de prendre plaiſir à la diverſité des Fleurs dont le parterre du jardin où il ſe promenoit eſtoit peint en cette ſaison. Il quitta donc une ſombre Allée qu’il avoit choiſie d’abord, & fut en un lieu plus deſcouvert : mais malgré l’Eſmail du Parterre, à peine eut il changé de place, que le comparant luy meſme à tous les Rivaux qu’il avoit eus, il ne pouvoit trouver la raiſon pourquoy Ameſtris l’avoit choiſi : & bien que ce ſoit la couſtume que tout le monde ſe flatte, & ne ſe face pas juſtice, quand il s’agit de juger de ſoy meſme : Otane en cette occaſion ſe la rendit avec autant de ſeverité, que qui que ce ſoit la luy euſt pû rendre. Il conclut donc en luy meſme, qu’Ameſtris ne l’avoit pas deû choiſir :