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elle s’avança à moitié hors de la feneſtre : & fit un ſi grand cry, que la Princeſſe tournant la teſte, & jettant les yeux de ſon coſté, la reconnut d’abord, & ne fut gueres moins ſurprise de ſa veuë, que Marteſie l’eſtoit de la ſienne. Cette rencontre fut ſi ſurprenante, qu’il leur fut abſolument impoſſible de ne teſmoigner pas qu’elles ſe connoiſſoient : mais par bonheur le Roy de Pont n’eſtoit point alors dans la Chambre de la Princeſſe : & la ſeule femme du Capitaine du Chaſteau, s’aperçeut de l’agreable ſurprise de ces deux Perſonnes. Bien eſt il vray qu’elle en fut elle meſme ſi eſtonnée, qu’elle ne pût ſe reſoudre de laiſſer longtemps Marteſie jouïr de ce plaiſir là : joint qu’Arianite entendant ouvrir la Porte de la Chambre de la Princeſſe fit ſigne à Marteſie qu’elle ſe retiraſt. Enfin, Seigneur, eſtant bien aſſurez que Mandane eſtoit dans ce Chaſteau, je fis reſoudre Marteſie à me permettre d’entreprendre de le forcer. Elle voulut touteſfois eſſayer de parler à la Princeſſe, mais ce fut inutilement : car cette femme qu’elle avoit gagné, n’avoit point de credit ſur ceux qui gardoient Mandane. Ainſi nous eſtant reſolus à tout hazarder pour delivrer la Princeſſe, je trouvay moyen d’avoir des Eſchelles : je fis tenir noſtre Bateau tout preſt à ramer : & par un endroit de la Muraille qui n’eſtoit pas hors d’eſcalade, je fis deſſein de tenter la choſe la nuit ſuivante. Mais par malheur le Roy de Pont qui depuis le temps que la Princeſſe eſtoit demeurée malade en ce lieu là, avoit envoyé vers Abradate, pour luy demander retraite dans ſa Cour, & eſcorte pour y aller par les Matenes, que la Riviere d’Halis traverſe : par malheur,