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Araminte : ſi bien que doublant le pas, & s’avançant devant tous les autres, ils furent à ſa rencontre : & le Chariot s’arreſtant ; ils deſcendirent de cheval, & s’aprocherent d’elle avec un battement de cœur effrange. Mais à peine eut-elle levé ſon voile, qu’ils virent dans ſes yeux que ſa negotiation n’avoit pas reüſſi, & connurent par les premieres paroles qu’elle leur dit, qu’ils avoient eu plus de raiſon de craindre que d’eſperer. Ils la remercierent touteſfois tres civilement l’un & l’autre : principalement Cyrus, qui ne voulant pas luy donner l’incommodité de tarder davantage en ce lieu là, luy dit qu’ils sçauroient chez elle avec plus de loiſir toute l’obligation qu’ils luy avoient. Elle euſt bien voulu leur faire prendre place dans ſon Chariot : mais ayant pluſieurs Femmes avec elle, la choſe ne ſe pût pas : & ces Princes apres eſtre remontez à cheval, lors que le Chariot eut commencé de marcher, furent en effet juſques chez elle où la Reine de la Suſiane vint auſſi-toſt, conduite par Araſpe, qui ne l’abandonnoit preſques point. Comme ils y furent, cette ſage Princeſſe leur dit effectivement ce qu’elle ne leur pouvoit cacher ; qui eſtoit que le Roy ſon Frere ne pouvoit ſe reſoudre à tendre la Princeſſe Mandane : mais elle le fit avec tant de prudence, & choiſit ſi bien tous les termes avec leſquels elle leur aprit une choſe ſi fâcheuſe ; qu’elle diminua. pluſtost leur reſſentiment contre le Roy de Pont qu’elle ne l’augmenta. Aduſius avoit auſſi apris a Cyrus lors qu’il eſtoit : deſcendu de cheval ce que ce Prince l’avoit chargé de luy dire : ſi bien que ſans s’emporter contre luy, pat le reſpect qu’il vouloit rendre à la Princeſſe Araminte ; je ſuis au deſespoir, luy dit-il, qu’il faille que je ſois