Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/23

Cette page n’a pas encore été corrigée

pria de luy dépeindre la beauté de cette Dame, & la mine de cét homme dont elle parloit : & par la reſponse que cette Femme luy fit, elle creût que la Princeſſe Mandane & le Roy de Pont eſtoient certainement dans ce Chaſteau. Comme elle eſtoit appuyée ſur une feneſtre qui donnoit ſur la Riviere, elle vit un grand Bateau ſi ſemblable à celuy dans lequel elle avoit eſté avec la Princeſſe, qu’elle demanda à cette Femme ſi ce n’étoit point celuy qui avoit amené chez eux cette belle malade ? & l’autre luy ayant dit qu’ouy, Marteſie ne douta preſques plus du tout que ce qu’elle penſoit ne fuſt vray. Elle diſſimula pourtant ſa joye, juſques à ce qu’elle m’euſt dit ſes ſoupçons, ce qu’elle fit le meſme jour : nous reſolusmes donc enſemble qu’elle taſcheroit de gagner par des careſſes & par des preſens, cette Femme, qui luy avoit deſcouvert la choſe, afin qu’elle luy fiſt voir la Perſonne dont elle luy avoit parlé : car comme elle eſtoit fort jeune, elle eſtoit fort propre à ſe laiſſer perſuader de cette ſorte. Enfin, Seigneur, Marteſie le fit avec tant d’adreſſe, que le lendemain ſans que le Mary s’en aperceuſt, cette Femme la mena par un Eſcalier dérobé, à une Chambre qui donnoit vis à vis de celle de cette belle Inconnue : & comme les feneſtres en eſtoient ouvertes, elle n’y fut pas longtemps qu’elle ne viſt la Princeſſe Mandane & Arianite, qui s’apuyant contre une des Croiſées, parloient enſemble avec beaucoup de melancolie. Ha Ortalque, s’eſcria Cyrus en l’interrompant, comment n’avez-vous point delivré cette Princeſſe ? Vous le sçaurez, Seigneur, repliqua t’il, en vous donnant un peu de patience. Marteſie ayant donc bien reconnu la Princeſſe Mandane, en fut ſi ſurprise, que ſans raiſonner ſur ce qu’elle faiſoit,