Armée de plus de cent mille hommes peut marcher, il avança à grandes journées vers ſes Ennemis. Bien eſt il vray que comme la ſaison eſtoit deſja tres fâcheuſe, ſa marche fut auſſi fort longue : & lors qu’il arriva ſur la Frontiere, il n’eſtoit plus temps de faire des Sieges, ny de donner des Batailles. Joint que Creſus qui n’avoit voulu qu’avoir la gloire d’avoir attaqué le premier, ſe poſta ſi avantageuſement apres cela, qu’il ne fut pas poſſible de l’attaquer d’abord, ny de l’empeſcher de mettre en fuite ſes Troupes en leurs Quartiers d’Hiver. Si bien que tout ce que l’on pouvoit faire, eſtoit ſeulement de faire des courſes dans le Païs ennemy, & d’aller à la petite guerre : ce qui affligeoit ſi ſensiblement Cyrus, qu’il avoit beſoin de toute ſa conſtance, pour ſupporter une douleur ſi exceſſive. Il ne pouvoit aſſez s’eſtonner du procedé de Creſus, qui avoit commencé la guerre, quand on ne la pouvoit faire : & il croyoit enfin qu’un ſi grand Prince n’avoit eſté forcé de ſuivre une Politique Militaire ſi oppoſée à la raiſon, que par ſon mauvais deſtin qui le vouloit perdre. Il y avoit des jours où il eſtoit tenté de ſe déguiſer, & d’aller luy meſme à Epheſe, voir s’il eſtoit auſſi difficile de rien entreprendre pour delivrer ſa Princeſſe comme on le luy diſoit : tantoſt il vouloit malgré la ſaison, aller forcer les Lydiens dans leurs quartiers retranchez les uns apres les autres : mais lors qu’il venoit à penſer que quand cela ſeroit fait, il n’auroit pas delivré Mandane, que le Roy de Pont pourroit encore enlever d’Epheſe ; il ſe retenoit, & écoutoit la raiſon, & ſe reſolvoit d’attendre que l’on pûſt faire la guerre avec apparence d’un bon ſuccés. Cependant ennvié de l’incertitude de ſa fortune, quoy
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