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qu’il m’a dit luy-meſme, ſi vous luy devez la vie, vous la luy avez conſervée durant cette guerre. Touteſfois ſi vous voulez deſadvoüer Cleandre de ce qu’il a fait contre le Roy de Phrigie, je l’obligeray à ne ſe ſouvenir que de ce que fera le Prince Artamas pour luy à l’advenir. Je vous en conjure Seigneur, repliqua-t’il ; & je vous commande, interrompit le Roy de Phrigie (ſi toutefois il m’eſt permis de vous commander en la preſence d’un Prince à qui j’obeïray touſjours) que vous regardiez preferablement à vos intereſts, ceux de l’illuſtre Cyrus. Ce commandement eſt ſi injuſte, reprit l’invincible Prince de perſe, que je ne veux pas donner loiſir au Prince Artamas d’y répondre : & je veux luy declarer devant vous, que je ne deſire de luy, que ce que je luy veux rendre le premier ; c’eſt à dire beaucoup d’amitié : afin que dans mes malheurs, j’aye du moins la conſolation d’avoir aquis un illuſtre Amy, le meſme jour que les Dieux vous ont redonné un illuſtre Fils. Le Roy de Phrigie & le Prince Artamas, que nous ne nommerons plus Cleandre, répondirent à Cyrus avec toute la civilité poſſible : & apres que cette converſation eut encore duré quelque temps, le Roy de Phrigie impatient d’entretenir le Prince ſon Fils en particulier, ſe retira, & fut en effet ſuivy par luy. Il le mena touteſfois en paſſant chez le Roy d’Aſſirie, & chez le Roy d’Hircanie, qui le receurent fort civilement : le premier n’oſant pas témoigner le mécontentement ſecret qu’il avoit toûjours contre le Roy de Phrigie. Cependant tout ce qu’il y avoit de Princes & de gens de qualité dans l’Armée furent viſiter le Prince Artamas ; qui ſe fût ſans doute eſtimé tres heureux, ſi l’amour qu’il avoit pour la Princeſſe