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perdu perſonne. Mais en faiſant cette recherche, je trouvay parmy nous un Eſcuyer d’Arteſilas, qui dans ce tumulte avoit encore mieux aimé entrer dans noſtre Barque, que de ſe laiſſer tuer, ou de tomber vivant entre les mains du gouverneur d’Epheſe. A peine eut il veu que je le reconnoiſſois, & que je le monſtrois à Cleandre, que ſe jettant à ſes pieds ; Seigneur, luy dit-il, je vous demande pardon d’avoit eu la hardieſſe de chercher un Azile auprés de vous. Mon Amy, luy dit Cleandre, la haine que j’avois pour ton Maiſtre eſt morte avecque luy, & ne s’eſtendra pas juſques à toy. Mais, luy dit-il, apprens nous du moins par quelle rencontre prodigieuſe, nous nous ſommes trouvez aujourd’huy. Seigneur, reprit cét Eſcuyer, perſonne ne vous peut mieux dire que moy, quel eſtoit le deſſein du Prince que je ſervois : car je n’ay que trop eu de connoiſſance de ſes ſecrets, depuis la fuitte du Prince Antaleon. Et alors comme s’il euſt creu meriter beaucoup auprés de Cleandre en noirciſſant ſon Maiſtre : au lieu de répondre preciſément à ce qu’on luy demandoit, il dit encore ce qu’on ne luy demandoit pas, & nous raconta comment le Prince Arteſilas avoit eſté de la conjuration criminelle du Prince Antaleon. Ce n’eſt pas que nous ne l’euſſions deſja sçeu en allant de Sadrdis à Epheſe : mais il nous le dit plus exactement. En ſuitte, il nous apprit que ce Prince ayant sçeu l’ordre que Creſus avoit envoyé à Ageſistrate, par lequel il vouloit que la Princeſſe ſa Fille priſt l’habit des Vierges voilées, il avoit eſté ſi deſesperé, de voir que par là il auroit fait tant de crimes inutilement, qu’il s’eſtoit enfin reſolu d’en faire encore un qui luy fuſt utile ;