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courage, qu’il tua ſon Rival de ſa propre main, & pluſieurs autres encore. De ſorte qu’apres la mort de ce Prince, ce qui reſtoit des ſiens ſe diſpersa, & diſparut en un moment : ſi bien que ſi à l’heure meſme on euſt r’ouvert la porte du Temple, nous pouvions encore delivrer les princeſſes. Mais nous euſmes beau fraper à cette porte, car à mon advis la frayeur eſtoit ſi grande parmy ces Filles, qu’elles n’oſerent ouvrir : joint qu’en meſme temps tous les gens du Roy de Pont, & tous ceux du gouverneur d’Epheſe vinrent à nous : & nous nous trouvaſmes ſi accablez par la multitude, que c’eſt un miracle de voir que nous en ſoyons échapez. Car Cleandre ne pouvant ſe reſoudre de ſe ſauver dans la Barque qui nous attendoit, vouloit touſjours eſtre auprés de la porte de ce Temple : mais enfin voyant qu’il eſtoit abſolument impoſſible de reſister à tous ceux que nous avions alors ſur les bras : & ſentant auſſi qu’il eſtoit bleſſé à la main droite, il ſe reſolut de ſe retirer en combatant comme nous fiſmes, juſques dans noſtre Barque, où nous entraſmes, malgré ceux qui nous pourſuivoient : & nous nous éloignaſmes du bord en diligence. Ils nous tirerent encore pluſieurs Traits, & nous lancerent pluſieurs Javelines : cependant quand nous fuſmes aſſez loing pour ne craindre plus leurs fléches, nous regardaſmes ſi la bleſſure de Cleandre eſtoit conſiderable : & nous viſmes qu’elle eſtoit plus incommode que dangereuſe. En ſuitte nous vouluſmes voir ſi nous avions tous nos gens : & à la reſerve de dix ou douze des Soldats que nous avions amenez à Epheſe, & de ceux qui eſtans d’Epheſe meſme ne voulurent pas s’embarquer avecque nous ; nous trouvaſmes que nous n’avions