Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

que cette image ſe preſentoit à eux, ils avoient de la douleur ou de la joye ; quoy qu’ils euſſent pourtant touſjours l’un & l’autre quelque déplaiſir parmy leur ſatisfaction, de penſer que ſi Mandane eſtoit en liberté, elle n’y eſtoit pas par leur aſſistance. Neantmoins comme elle devoit recevoir cét office par un Prince qui n’eſtoit point leur Rival, ce ſentiment ne diminuoit pas beaucoup leur plaiſir, dans les moments où ils en avoient : & il y avoit des inſtants, où ne doutant point du tout qu’ils ne viſſent bien-toſt leur Princeſſe ; ils ſongeoient deſja chacun en particulier, comment ils ſe pourroient vaincre l’un l’autre, au combat qu’ils devoient faire. Trois jours ſe paſſerent de cette ſorte, pendant leſquels Cyrus parla encore pluſieurs fois à Soſicle, parce qu’il avoit veu ſa Princeſſe à Epheſe : & pendant leſquels auſſi, le Roy de Phrigie entretint encore Thimettes & Acrate, avec beaucoup de ſatisfaction : par l’eſperance qu’ils luy donnoient, qu’il reverroit ſur le viſage de Cleandre une reſſemblance ſi parfaite de ſa chere Elſimene, qu’il ne pourroit douter qu’il ne fuſt ſon Fils. La Princeſſe Araminte avoit auſſi de la joye & de l’eſperance, croyant que ſi une fois le Roy ſon Frere n’avoit plus la Princeſſe Mandane en ſon pouvoir ; il ſe reſoudroit à eſtre Amy d’un Prince qui luy offroit de le remettre ſur le Throſne ; & qu’ainſi elle pourroit un jour ſe voir en un eſtat plus heureux que celuy où elle eſtoit, pourveu que Spitridate revinſt. La Reine de la Suſiane, quoy que captive & un peu malade, avoit touteſfois la conſolation d’eſtre ſervie avec le meſme reſpect que ſi elle euſt eſté à Suſe : car Araſpe executoit les ordres de Cyrus avec beaucoup de joye & d’exactitude : & meſme avec