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Grand Prince, meritera du moins que j’obtienne de Cyrus qu’il protege la Princeſſe Palmis. Et il eſt meſme à croire, adjoûtoit-il, que le Ciel favoriſera un deſſein qui n’a rien que de juſte ; puis que pour delivrer une Princeſſe innocente, j’en arracheray une autre des mains de ſon raviſſeur, pour la redonner au Roy ſon Pere. Enfin cette penſée ſembla ſi raiſonnable, pourveu qu’on la peuſt executer, qu’elle ne fut point conteſtée, luy par Thimettes, ny par Menecée, ny par Tegée, ny par mon Pere, ny par moy. Nous cherchaſmes donc promptement les voyes de faire ce que Cleandre avoit imaginé : nous avions bien quelques gens à nous, mais nous n’en avions pas aſſez pour avoir recours à la force ouverte. Il falut donc agir avec adreſſe : & Menecée employa ſi utilement le pouvoir qu’il avoit ſur l’eſprit de ſon ancienne Maiſtresse, qu’elle le fit parler à ſa Sœur ; qui eſt une perſonne de beaucoup de vertu & de beaucoup d’eſprit, & de qui l’ame eſt grande & hardie. Il la vit donc, & luy repreſenta de telle ſorte l’injuſtice de Creſus, & celle du Roy de Pont ; qui la forca d’avoüer que quiconque pourroit mettre en lieu ſeur la Princeſſe Mandane, & la Princeſſe Palmis, feroit une action agreable aux Dieux. Elle ne luy eut pas pluſtost dit cela, que la prenant par ſes propres paroles, il luy dit que c’eſtoit donc à elle à faire une action ſi genereuſe : il ne put touteſfois l’obliger de remettre ces deux princeſſes entre ſes mains : Mais elle luy aprit qu’il y avoit une regle parmy elles, qui portoit qu’il n’eſtoit pas permis de refuſer de laiſſer ſortir une fois celles qui devoient prendre l’habit des Vierges voilées ; afin qu’il paruſt qu’elles le venoient demander ſans contrainte.