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tant de bien-faits qu’il a reçeus de moy, m’a trahy, & a voulu renverſer mon eſtat. La Princeſſe entendant parler le Roy de cette ſorte, creût que Cyleniſe luy avoit tout advoüé : ſi bien que ne voulant pas nier une verité fort innocente, & ſe rendre effectivement criminelle par un menſonge, elle ſe reſolut de ne luy déguiſer rien. Seigneur, luy dit elle, je voy bien que je vous parois fort coupable : mais graces aux Dieux j’ay la ſatisfaction de sçavoir, que je ne la ſuis pas autant que vous le croyez. Quoy, interrompit il, vous ne l’eſtes pas infiniment, d’avoir une intelligence ſecrette avec un criminel d’eſtat ! Si le moindre de mes Subjets, adjouſta t’il, en avoit fait autant que vous, il perdroit la vie infailliblement : jugez donc ſi voſtre crime n’eſt pas plus grand que ne ſeroit le ſien ; vous qui eſtes ma Fille ; qui eſtes intereſſée en la gloire de mon regne, & au bien de mes Peuples, & qui ne devez enfin avoir autre intereſt que le mien. Seigneur, luy dit elle, ſi j’en avois eu d’autre, je me croirois ſans doute fort coupable : Mais cela n’eſtant pas, je vous ſupplie tres humblement de me donner un quart d’heure d’audience pour me juſtifier. Le Roy faiſant alors un grand effort ſur luy meſme, ſe teût & la laiſſa parler : Cette ſage Princeſſe commença ſon diſcours adroitement, par l’amitié que le Roy avoit euë pour Cleandre dans ſon enfance : par celle des Princes ſes Freres : par l’eſtime qu’elle en avoit fait : repaſſant auſſi en peu de mots, & avec beaucoup d’art, tous les ſervices qu’il avoit rendus au Roy : Ses Victoires ; ſes conqueſtes, & toutes les Grandes choſes qu’il avoit faites : diſant pourtant tout cela de façon, qu’il ne ſembloit pas qu’elle l’affectaſt : & paroiſſant au contraire, qu’elle ne le diſoit