Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/178

Cette page n’a pas encore été corrigée

ce qui s’eſtoit paſſé ; mais elle n’en pût venir à bout. Au contraire, comme il eſtoit fort exact, apres avoir fait mettre ces deux Filles dans une chambre, avec beaucoup de civilité, & donné ordre que l’on gardaſt ſoigneusement les Priſonniers, & meſme ſon Fils ; il envoya advertir le Roy de ce qui s’eſtoit paſſé, & envoya auſſi vers la Princeſſe, luy demander pardon, de ce qu’il retenoit deux Filles qui eſtoient à elle : preſupposant, diſoit il, qu’elle ne les voudroit plus advoüer, apres la hardie & criminelle action qu’elles avoient faite. Comme vous pouvez aiſément vous imaginer les divers ſentimens de toutes ces Perſonnes, je ne m’arreſteray pas à vous les dire : car je m’aſſure que vous comprenez facilement quelle fut la ſurprise de la Princeſſe & ſon affliction ; le deſespoir de Cleandre ; celuy du pauvre Tegée, qui craignoit que Cyleniſe qu’il aimoit, ne le puniſt de la violence de ſon Pere, ou ne le ſoupçonnaſt de l’avoir trahie ; l’embarras de cette Fille, auſſi bien que de ſa Compagne, & enfin l’eſtonnement de Creſus, d’aprendre l’action de Cyleniſe. Il fut ſi grand, que pour sçavoir preciſément ce que c’eſtoit, il envoya ordre au gouverneur de la Citadelle, nommé Pactias, de la luy amener à l’heure meſme avec celle qui l’avoit accompagnée ; & en effet la choſe fut executée comme il le vouloit. Quand Cyleniſe fut en ſa preſence, eſt il poſſible, luy dit il, que ma Fille puiſſe avoir nourri aupres d’elle, une perſonne capable de faire une action ſi eſloignée de la modeſtie de ſon Sexe ? Seigneur, luy dit-elle, les aparences ſont quelqueſfois bien trompeuſes : & cette hardieſſe qui vous paroiſt ſi criminelle, vous paroiſtroit peut eſtre fort loüable, ſi vous eſtiez perſuadé des veritez que je