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la plus diſcrette.

Mais pour abreger mon diſcours autant que je le pourray, puis qu’il n’eſt deſja que trop long : je vous diray que Tegée envoya la Lampe qu’il avoit promiſe ; que Cyleniſe choiſit : celle qui la devoit accompagner, & qu’apres avoir eſté inſtruite exactement de ce qu’elle devoit dire, elles demeurerent ſeules dans les jardins, avec cette Lampe obſcure qui n’eſclairoit que quand on vouloit. Elles furent donc par l’Allée de Cyprés, juſques à la porte du jardin, qui donne vers le petit Pont dont Tegée avoit parlé à Cyleniſe : mais à ce qu’elle m’a dit depuis, elles y furent en tremblant, & penſerent vingt & vingt fois s’en retourner. Neantmoins elle acheverent leur voyage, comme je l’ay deſja dit, & eſtant arrivées au bout du Pont, apres que le Jardinier qui eſtoit gagné leur eut ouvert ſa porte ; Cyleniſe ayant deſcouvert & caché deux ou trois fois la Lampe qu’elle portoit, comme elle en eſtoit convenuë avec Tegée (car elles avoient traverſé le jardin & paſſe la porte à la ſeule clarté des Eſtoiles) un moment apres le Pont s’abaiſſa ; la feneſtre grillée fut ouverte ; & Cleandre y parut, ou pour mieux dire s’y fit entendre : car auſſi toſt que Cyleniſe fut à l’endroit où elle devoit parler, elle tourna ſa Lampe, & en fit de nouveau tourner le reſſort, de peur d’eſtre deſcouverte. Comme la feneſtre eſtoit fort baſſe, Cleandre prenant la parole ſans hauſſer la voix : eſt-il poſſible, luy dit-il, que je puiſſe encore avoir la ſatisfaction de vous parler, & n’eſt-ce point un ſonge agreable que je fais ? parlez donc Cyleniſe, adjouſta t’il, afin que je vous connoiſſe : & dites moy qui eſt la perſonne que j’entre-voy aveques vous. Seigneur, luy dit elle, vous pouvez juger que puis qu’elle eſt icy, c’eſt une perſonne fidelle : ainſi