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de prier Menecée d’aller trouver la Princeſſe Palmis, pour luy demander toutes ces choſes : & de dire ſeulement à Creſus, que c’eſtoit un des domeſtiques de Timocreon qui les luy avoit données. En effet Menecée qui aimoit & qui aime encore mon Pere avec une tendreſſe extreſme, luy tint ſa parole, & fit exactement ce qu’il luy avoit dit : mais il fut eſtrangement ſurpris, d’apprendre que la Princeſſe qu’il fut trouver, n’avoit point veû ce Domeſtique de mon Pere : & que par conſequent elle n’avoit point receû ce qu’il croyoit qu’elle deuſt avoir. Menecée fit chercher cét homme aveques ſoing, mais ce fut inutilement : & on ne sçeut point alors, ce qu’il eſtoit devenu. De ſorte que ne pouvant faire rien voir à Creſus de tout ce qu’on luy avoit promis, il ne voulut plus ſouffrir qu’on luy parlaſt de Cleandre, comme eſtant Fils du Roy de Phrigie : & il traitta cela de fourbe & de menſonge : deffendant expreſſément à Menecée d’en parler à perſonne, ſi bien qu’il ne s’en eſpandit aucun bruit à la Cour. Je vous laiſſe donc à juger quel fut le deſespoir de mon Pere, de voir qu’il avoit perdu non ſeulement ce qui pouvoit juſtifier Cleandre aupres de Creſus, mais encore ce qui pouvoit le faire reconnoiſtre au Roy de Phrigie. Lors que Cleandre le sçeut, il en fut tres affligé : & la Princeſſe en fut ſi touchée, qu’il ne luy fut pas poſſible de cacher ſa melancolie.

Cependant Arteſilas eſtant entierement gueri de ſes bleſſures, triomphoit du malheur de ſon Rival : le Prince Myrſile & Abradate croyoient bien que Cleandre n’eſtoit pas coupable. Mais il y avoit touteſfois tant d’obſcurité en ſa juſtification, qu’ils ne pouvoient pas perſuader à Creſus qu’il fuſt