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Prince Artamas : mais je ne sçay ſi ceux de la Princeſſe de Lydie ne changeront point. Ils changeront, ſans doute, répondit-elle, car j’auray plus de civilité pour le Prince Artamas, que je n’en ay eu pour Cleandre. Ce n’eſt pas ce que je demande, luy dit-il, mais je veux ſeulement. Madame, que vous me conſerviez toute la bonté que vous avez euë pour moy ; & que vous me conſeilliez ce que je dois faire : puis qu’en verité j’en ay grand beſoin. Il faudroit eſtre plus prudente & plus des-intereſſée que je ne ſuis, répondit-elle, pour vous pouvoir bien conſeiller. Commandez moy donc abſolument, luy dit-il, ce que vous voulez que je faſſe : ne doutant pas que vous ne ſongiez a ma gloire en me commandant. C’eſt pourquoy, divine Princeſſe, je ne vous preſcrits rien : & je m’abandonne à voſtre conduitte. Parlez donc, Madame, je vous en conjure : que vous plaiſt il que je devienne ? & comment puis je n’obeïr point à Creſus qui veut que je parte ; que je combate ; & que je vainque le Roy de Phrigie ? & comment puis-je auſſi le faire, puis que j’ay l’honneur d’eſtre Fils de ce Prince ? Me preſervent les Dieux, repliqua-t’elle, de vous donner un ſemblable conſeil. Je n’avois pas moins attendu de voſtre vertu, luy dit-il, mais je ne laiſſe pas de vous rendre grace, de n’avoir pas mis la mienne à une ſi dangereuſe épreuve : & de ne m’avoir pas forcé à vous deſobeïr, ou à eſtre le plus criminel de tous les hommes. Auſſi Madame, comme vous contentez que je ne combate pas contre le Roy mon Pere ; je ne me reſoudray pas non plus à conbattre contre le voſtre. Je vous en conjure, luy dit elle, par l’affection que vous m’avez promiſe : il n’eſt pas beſoin d’une conjuration ſi forte, répondit-il, car je