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tout enſemble, il n’eut gueres moins de joye que de douleur, de voir qu’il n’avoit pas delivré Mandane. Ces deux illuſtres Rivaux ſe rendirent conte de tout ce qu’ils avoient fait : & forcez par la neceſſité, ils donnerent un quart d’heure à leurs gens pour faire un leger repas, & pour faire repaiſtre leurs chevaux au Village où ils ſe rencontrerent : apres quoy ils furent enſemble avec plus de diligence qu’auparavant, ſuivant touſjours la route du Roy de Pont : qui eſtoit contraint d’aller lentement, à cauſe du Chariot où eſtoit Mandane. Enfin apres avoir marché juſques au Soleil couchant, ils découvrirent cette autre Riviere dont on leur avoit parlé. Mais ce qui les ſurprit extrémement, c’eſt qu’ils aperçeurent qu’un grand Pont de bois par où ils eſperoient la paſſer, venoit d’eſtre rompu : & que jettant les yeux de l’autre coſté de l’eau, ils virent dans une grande Prairie, à quatre on cinq cens pas du bord, environ cinquante chevaux ſeulement, & un Chariot, qu’ils creurent bien eſtre celuy où eſtoit la Princeſſe qu’ils cherchoient : car ce Pont preſque entierement rompu le faiſoit aſſez connoiſtre. Ils eſtoient pourtant un peu embarraſſez à comprendre pourquoy il n’y avoit que cinquante chevaux, & ce qu’eſtoient devenus les autres : mais enfin ils ne doutoient point du tout, que ce ne fuſt la Princeſſe Mandane. Comme ce Fleuve eſt fort profond & fort rapide, & que de plus il eſtoit extrémement débordé, il n’y avoit point de poſſibilité de le paſſer : Cyrus & le Roy d’Aſſirie le voulurent touteſfois eſſayer, mais ce fut inutilement : & ils penſerent eſtre noyez l’un & l’autre. Outre cela, il faloit faire prés d’une journée, auparavant que de trouver un autre Pont : & retourner d’autant en arriere,