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tout inconnu que j’eſtois, ne me haïſſe point quand elle me connoiſtra. Mais Soſicle, adjouſta t’il, je vous le declare : ſi cette Princeſſe ne peut trouver les voyes de concilier tant de choſes contraires ; & qu’eſtre ſon Amant & Fils de ſon ennemy, ſoient deux qualitez incompatibles : je penſe que je renonceray au Troſne ; & que ſans prendre jamais le nom du Prince Artamas, je ſeray eternellement Cleandre. Mais Seigneur, luy dis-je, tant que vous ſerez Cleandre, il faudra aller combattre contre le Roy voſtre Pere ? Ha Soſicle, s’écria t’il, j’ay tant d’horreur des combats que j’ay faits contre luy, que quand je le voudrois, ma main ne m’obeïroit ſans doute pas. Ne vous avois-je pas bien dit, adjouſta t’il, que je n’eſtois pas ſi heureux que vous me le croyez ? O Fortune cruelle. Fortune diſoit il encore, ne pouvois tu me faire de preſents, ſans les empoiſonner ? Car Soſicle, admirez mon malheur, adjouſtoit-il, le Roy de Phrigie & celuy de Lydie n’ont jamais eu de guerres enſemble que depuis un an : de ſorte que ſi en tout autre temps que celuy cy, ma naiſſance euſt eſté deſcouverte, j’eſtois abſolument heureux. De plus, ne conſiderez vous point encore, que mon deſtin m’ayant fait naiſtre Fils de Roy, a juſtement voulu que ce fuſt du ſeul à qui Creſus a declare la guerre ? Apres cela ne faut il pas advoüer, qu’il y a quelque choſe de bien bizarre à mon avanture ; & qu’il n’eſt pas aiſé de prevoir quelle en doit eſtre la fin ? Mais quoy qu’il en arrive, j’aimeray toujours ma Princeſſe : & je ne feray jamais conſister mon bonheur, qu’en la poſſession de ſon cœur. Comme Cleandre en eſtoit là, on luy vint. Dire que Creſus le demandoit : & qu’il venoit de recevoir nouvelles