point delivrée ; de sçavoir que s’il euſt touſjours ſuivy le chemin qu’il tenoit d’abord il l’auroit pû delivrer : & de ce que ſon Rival avoit peut-eſtre la gloire de combatre pour elle à l’heure meſme qu’il parloit : que ſans tarder davantage en ce lieu là, & ſans aller juſques aux Chariots où eſtoit Panthée, il retourna ſur ſes pas en diligence, envoyant ſeulement Araſpe, qui ſe trouva aupres de luy pour avoir ſoing de cette Reine. Il retourna donc juſques au premier lieu où il pouvoit paſſer la Riviere : & marchant preſque auſſi viſte que s’il euſt eſté ſeul, il ſentoit des tranſports de colere contre luy meſme, qu’il n’avoit pas peu de peine à retenir. Il ſouhaitoit que le Roy d’Aſſirie euſt trouvé Mandane : il deſiroit qu’il ne l’euſt pas encore rencontrée quand il le joindroit : & ne pouvant enfin demeurer d’accord avec luy meſme de ſes propres deſirs, il ſouffroit une peine incroyable ; principalement quand il penſoit, que ſelon les aparences, le Roy d’Aſſirie auroit deſja delivré Mandane, quand il y arriveroit : où ce qui eſtoit encore le pire, que ny l’un ny l’autre ne la pourroient peut eſtre delivrer. Apres avoir marché tres long temps ſans rien aprendre, il rencontra des Cavaliers que le Roy d’Aſſirie qui avoit sçeu qu’il avoit repaſſé la Riviere luy envoyoit : pour luy dire qu’il ſuivoit touſjours le Roy de Pont, avec eſperance de le pouvoir bien-toſt joindre : mais qu’il l’advertiſſoit qu’il venoit d’aprendre qu’il avoit laiſſé la Riviere à ſa gauche : & qu’il avançoit tant qu’il pouvoit vers une autre qu’il faloit qu’il traverſast, auparavant que d’eſtre en Cilicie, Cyrus à cét advis redoublant encore ſa diligence, quoy que les chevaux des ſiens fuſſent tres las, fit tant qu’en fin il joignit le Roy d’Aſſirie : & par un bizarre ſentiment d’amour & de jalouſie
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