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le pardon, par une confeſſion ingenuë qu’il men vouloit faire. Il m’a deſcouvert en ſuitte, que le feu Prince Tydée ſon Maiſtre, eſtoit celuy qui avoit fait enlever la Princeſſe Elſimene & vous, par un ſentiment de jalouſie, de rage, & d’ambition : trouvant quelque douceur à priver ſon Rival de la ſeule Perſonne qu’il aimoit : & en trouvant encore plus, à luy oſter un ſuccesseur : & par ce moyen à s’aſſurer la Couronne, ou du moins à ſe rendre touſjours plus conſiderable dans le Royaume ; puis qu’il y ſeroit regardé, comme devant eſtre Roy : Car il croyoit bien que le Roy ſon Frere ne pourroit jamais oublier Elſimene, ny ſe reſoudre à ſe remarier. Cét homme m’a donc dit qu’il fut le Chef de cette entrepriſe : que le Prince Tydée luy ordonna d’aller habiter à la moins peuplée des Iſles Cyclades : & d’empeſcher Elſimene d’y parler à qui que ce ſoit : ne voulant point la faire mourir ny vous auſſi, parce qu’il croyoit que ſi par haſard ſon crime eſtoit deſcouvert, il auroit touſjours une voye aſſurée de ſauver ſa vie, eſtant Maiſtre de la voſtre, & de celle de la Reine voſtre Mere. Cet homme, qui s’appelle Acrate, m’a donc dit, qu’obeïſſant à ſon Maiſtre, il enleva la malheureuſe Elſimene avecques vous ; & qu’il prit toutes les richeſſes de ce Chaſteau. Mais qu’afin de ne pouvoir eſtre deſcouvert, il ne prit pas une des Femmes de la Reine pour la ſervir : & qu’il ne mit aupres d’elle qu’une eſclave müette qu’il avoit chez luy ; qui par conſequent ne pouvoit pas reveler ſon ſecret. Il adjouſte que comme il fut arrivé à une des Iſles Cyclades, avec cette deplorable Princeſſe, il vendit le vaiſſeau dans lequel il l’avoit amenée : & qu’il demeura poſſesseur de toutes les richeſſes qu’elle avoit, avec