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dites, ſur la naiſſance de Cleandre. Cependant toute la Cour fut le viſiter, à la reſerve des parens de ſon ennemy : encore y en eut-il quelques-uns qui l’abandonnerent, & qui ſe furent offrir à Cleandre, que la Princeſſe envoya auſſi viſiter en ſecret, pour ſe réjouir de ce qu’il n’eſtoit point bleſſé : ne sçachant pas encore quelle eſtoit la cauſe de ce combat : tout le monde croyant que ce n’eſtoit, comme je l’ay dit, que parce qu’Arteſilas l’avoit voulu traitter en inconnu. On ne parloit donc d’autre choſe : & ceux qui avoient ouy raconter cent fois comment il avoit eſté trouvé, ſe le firent redire, & le raconterent à leur tour. La Princeſſe meſme ſe fit encore reciter exactement par mon Pere, comment il avoit veu floter cette Barque, qu’une femme ne pouvoit conduire : comment il avoit envoyé des Mariniers pour la ſecourir : comment il avoit veu ce jeune Enfant ſur un Carreau de Drap d’or : comment celle qui le conduiſoit eſtoit müette : comment elle luy avoit remis entre les mains un petit Tableau, où cét Enfant eſtoit repreſenté comme on peint l’Amour, & avec luy une belle Perſonne qui paroiſſoit eſtre ſa Mere, par les Vers qui eſtoient écrits au bas : & enfin comment cette Femme eſtoit morte. La Princeſſe qui n’avoit jamais oſé demander à voir cette Peinture, ſurmonta alors dans ſon cœur les ſentimens, qui s’eſtoient oppoſez à ſa curioſité : & pria Timocreon de la luy envoyer, ce qu’il fit, & ce fut moy qui la luy portay, ſans que Cleandre en sçeuſt rien : car il eſtoit encore chez Abradate, juſques à ce que l’on sçeuſt ſi Arteſilas échaperoit de ſes bleſſures : y en ayant une aſſez dangereuſe. Cette Princeſſe rougit en prenant cette