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ce fuſt d’une maniere qui me pleuſt ; il faut ne s’engager pas davantage, & demeurer dans les ſimples termes de l’amitié. Ce n’eſt pas, adjouſta-t’elle, que je vous en eſtime moins, & que je ne croye meſme que voſtre naiſſance doit eſtre illuſtre : mais je vous advouë ma foibleſſe : comme tout le monde n’eſt pas perſuadé de ce que je penſe, je ne puis guerir mon eſprit de la crainte d’eſtre blâmée : ſi l’on venoit à sçavoir que j’euſſe donné une place ſi particuliere dans mon cœur à un Inconnu. Ainſi, Cleandre, pour ma propre gloire contentez vous de mon amitié : aimez moy dans le fond de voſtre cœur de la maniere que vous voudrez, luy dit-elle en rougiſſant, mais n’attendez jamais de Palmis que des offices d’une veritable Amie. Je trouve tant de raiſon en vos paroles, luy repliqua-t’il, & pourtant ſi peu de ſatisfaction pour moy, que je n’y sçaurois répondre. Car pour ce qui eſt de ma naiſſance, Madame, adjouſta-t’il, je n’en ay qu’un indice que je croy tres puiſſant, pour me perſuader qu’elle n’eſt pas baſſe : c’eſt, Madame, que j’ay la hardieſſe de vous aimer ; & de vous aimer meſme ſans ſcrupule. Ouy, divine Princeſſe, je ſens dans mon ame je ne sçay quel noble orgueil, qui me perſuade que je puis vous adorer ſans vous faire outrage : cependant comme cette preuve n’eſt convainquante que pour moy, je ne vous demande que ce qu’il vous plaiſt de m’accorder ; & tant que vous ne me deffendrez point de vous aimer, je ne me pleindray jamais. Car, Madame, l’eſtime que j’ay conçeuë de voſtre merite eſt ſi grande ; que quand je ſerois Fils d’un Grand Roy, je ne croirois pas meſme qu’il me fuſt permis de vous demander voſtre affection qu’à genoux ; & je penſerois