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lequel des deux je dois ſatisfaire : c’eſt pourquoy je ne puis preſentement vous dire ce que je veux, ny ce que je feray : car en verité, Cyleniſe, je ne le sçay pas moy meſme. Ce fut de cette ſorte que cette converſation ſe paſſa : car bien que cette Fille de la Princeſſe qui eſt ma Parente, ne fuſt pas encore en confidence des intereſts de ſa Maiſtresse avecques moy ; neantmoins comme nous avions aſſez d’amitié enſemble, elle ne laiſſoit pas d’avoir une affection particuliere pour Cleandre, à ma conſideration : parce qu’elle sçavoit bien que ma fortune & celle de Timocreon eſtoient inſeparablement attachées à la ſienne, qu’il rendoit commune entre nous, par ſa liberalité & par ſes bons offices. Auſſi Cleandre ſans en rien sçavoir, avoit en elle un puiſſant appuy aupres de la Princeſſe Palmis cependant l’advis qu’elle avoit reçeu, fit un effet tres avantageux pour Cleandre ; puis qu’inſensiblement elle diminua une partie de cette froideur qui redoubloit ſes ſuplices. De ſorte que flatté par cet heureux changement dont il ignoroit la cauſe, l’eſperance commença de le conſoler : & peu apres le rendant plus hardy, il rendit ſes ſoins & ſes ſoûmiſſions à la Princeſſe, avec un peu moins de circonſpection, quoy que ce fuſt touſjours avec un égal reſpect. Mais enfin il la regardoit un peu plus ſouvent ; il la viſitoit davantage ; & l’entretenoit avec un peu moins de crainte. Touteſfois je ne penſe pas qu’il euſt jamais eu la hardieſſe de ſe declarer ouvertement, ſi l’illuſtre Cyrus, qui n’eſtoit en ce temps-là qu’Artamene, ne luy en euſt fourny le ſujet : & voicy comme la choſe arriva.

Creſus avant sçeu tout ce qui s’eſtoit paſſé à la guerre de Pont & de Bithinie, & toutes les merveilleuſes actions que le fameux Artamene