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Palmis eſtimoit infiniment Cleandre, & l’aymoit peut-eſtre deſja avec aſſez de tendreſſe cependant dés qu’elle eut apris que Creſus vouloit qu’elle l’épouſast ; l’obſcurité de ſa naiſſance troubla ſi fort ſon eſprit, qu’elle ne sçavoit quelle reſolution prendre. Elle n’euſt pas voulu que Cleandre ne l’euſt point aimée : elle ne vouloit pas toutefois qu’il luy diſt qu’il l’aimoit : & elle ne pouvoit non plus conſentir à épouſer un Inconnu. Mais ſa vertu eſt ſi éclatante & ſi viſible, diſoit cette Princeſſe ; mais ſa naiſſance eſt ſi obſcure & ſi cachée, adjouſtoit-elle un moment apres, que luy-meſme ne la sçait pas. Mais, Madame, luy diſoit Cyleniſe, vous sçavez du moins qu’il eſt digne de toutes choſes : qu’il a toutes les vertus que les plus grands Rois pourroient ſouhaitter d’avoir : que ſa valeur l’a mis au deſſus de tous les Princes qui font Subjets du Roy voſtre Pere : & que ſi ſes conqueſtes eſtoient auſſi effectivement à luy, comme effectivement il en a toute la gloire ; il ſeroit deſja un des plus puiſſans Princes d’Aſie. Les premiers Rois, Madame, adjouſta Cyleniſe, n’eſtoient peut-eſtre pas de ſi bonne maiſon que Cleandre : car enfin, comme je l’ay entendu dire, il fut trouvé ſur un Carreau de drap d’or : & le Portraict de ſa Mere & le ſien, ont une bordure ſi magnifique, qu’il ne ſemble pas que ſa naiſſance doive eſtre baſſe. Il pourroit eſtre nay de parens aſſez riches, reprit la Princeſſe, que ce ne ſeroit pas encore aſſez pour me ſatisfaire : ce n’eſt pas, Cyleniſe, que je ne sçache bien que la naiſſance & la mort ſont égales entre les Rois & les Subjets : & qu’en quelque façon la vanité que l’on tire ſeulement de ſes Predeceſſeurs n’eſt pas trop bien fondée : mais apres tout, cette illuſtre Chimere qui flatte ſi doucement le