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dans le ſuperbe Tombeau qu’Aliatte avoit fait baſtir ſur les bords d’un Eſtang, que l’on appelle l’Eſtang de Giges ; il ſe déroba de ſes Gardes la nuit ſuivante, & fut comme un Furieux à cette magnifique Sepulture, où il ne tut pas pluſtost arrivé, qu’il monta juſques ſur le haut du grand Tombeau. Mais à peine y fut il, qu’entre des Colomnes & : des Statues qui y ſont, il ſe laiſſa tomber les bras ouverts, ſur la pointe de ſon Eſpée qu’il avoit repriſe, & ſe tüa à la veuë de ceux qui l’avoient ſuivy, & qui le joignirent au point du jour. Ainſi ſe puniſſant luy meſme, il merita par ſa mort, des pleintes de ceux qui avoient le plus de ſujet de l’accuſer de leurs malheurs. Creſus conſiderant donc ſa naiſſance Royale ; ſon repentir marqué par ſon ſang ; & ſa fortune toute extraordinaire, fit mettre ſon corps aupres de celuy du Prince Atys, dans le ſuperbe Tombeau de ſes Peres : avec une inſcription qui contenoit toute cette eſtrange avanture.

Depuis ce funeſte accident, la faveur de Cleandre augmenta encore aupres de Creſus : & il le regarda comme le ſeul homme qui pouvoit affermir le Sceptre apres ſa mort, entre ſes mains du Prince Myrſile. Menecée qui le luy avoit autrefois preſenté, l’entretenoit dans ces ſentimens là, quoy qu’Antaleon s’y oppoſast : car cét ambitieux Prince pretendoit à la Couronne, au prejudice de ſon neveu. Cependant comme il n’eſt point de douleurs que le temps ne gueriſſe, ou du moins qu’il ne ſoulage, on commença de ſe conſoler de la mort d’Atys : & Cleandre ne ſe trouvant plus qu’un Rival, en eſtoit un peu moins malheureux. Et d’autant plus, que la Princeſſe Palmis n’ayant plus à ſe vanger du Prince ſon Frere, ny à faire deſpit à Adraſte ;