trouble si fort ? vous qui m’avez dit que vous n’aimiez plus Amestris. Je pense aussi, luy repliquay-je, que je n’aime plus Amestris : mais je haï si fort Megabise, que je ne puis aprendre qu’il soit heureux, sans avoir un desespoir, qui n’est pas imaginable. Si Megabise, me respondit elle, n’a jamais de joye plus sensible, que celle que luy cause le mariage d’Amestris, je ne vous conseille pas de vous affliger de sa bonne fortune : quoy (luy dis-je, l’esprit tout preoccupé de haine, de douleur, & de jalousie, & n’ayant pas bien entendu le sens de ce qu’elle m’avoit dit) Megabise peut estre Mary d’Amestris, & n’estre pas le plus satisfait, & le plus heureux de tous les hommes ! Ha Menaste, (luy dis-je, sans luy donner loisir de me respondre) cela n’est pas possible : & vous auriez plus de raison, si vous disiez qu’il joüit d’un bonheur, qu’il ne possedera pas long temps. Car enfin il mourra de ma main, cét injuste Ravisseur d’un thresor qui m’apartenoit, & que je pensois avoir bien aquis. Menaste toute surprise de me voir si troublé, & si transporté de colere, me regardant avec estonnement, me dit en m’interrompant, si vous ne haïssez Megabise, vous dis-je encore une fois, que comme Mary d’Amestris, vous n’avez qu’à remettre le calme en vostre ame : puis que ce n’est pas Megabise qu’elle a espousé. Ce n’est pas Megabise qu’elle a espousé ! luy dis-je ; Non, me respondit-elle : Ha Menaste, luy repliquay-je l’esprit un peu moins agité, ne me trompez pas ; & parlez moy sincerement. Je vous proteste, me dit-elle, que je ne vous ments point du tout : & qu’Otane est celuy que l’incomparable Amestris a espousé. Otane, luy dis-je, a espousé Amestris ! Otane le moins aimable des hommes ! Otane qu’elle a tousjours
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