de bien-veillance ? Que puis-je donc penser de vous infidelle Amestris ? m’avez vous quelquefois aimé, ou m’avez vous tousjours haï ? ha non non (reprenoit-je tout d’un coup) vous m’aimiez lors que je vous quittay ; je vy vostre cœur esmeu ; j’apperçeus malgré vous dans vos yeux, quelques larmes de tendresse, que vostre modestie vouloit retenir ; vous me cachastes mesme une partie de vos sentimens ; vous eustes de la douleur, lors que je vous abandonnay ; & vous m’aimastes enfin, trop aimable Amestris. Mais malheureux que je suis, vous ne m’aimez plus, sans que je puisse comprendre pourquoy. Je sçay bien, adjoustois-je, que l’absence est une dangereuse chose ; mais helas, j’estois absent, je l’estois pour l’amour de vous ! De plus, vous m’avez toujours escrit, comme si vous eussiez esté fidelle : & cependant vous estes la plus infidelle personne qui sera jamais. Ha trop heureux Megabise, m’écriois je alors, ne pense pas joüir en repos de ton bonheur : il faut que je me vange du tort que tu m’as fait : c’est toy qui par quelque artifice as fait changer le cœur d’Amestris, & qui as seduit sa bonté. Il faut sans doute, il faut que tu sois la seule cause de son crime & de mon malheur : ayons donc ce respect pour Amestris, de ne luy dire rien ; de ne vous pleindre pas mesme de son injustice ; & de n’attaquer que celuy seul qui l’a renduë coupable. Mais Dieux, adjoustois-je encore, Amestris a de l’esprit & du jugement ; Amestris n’est pas aisée à tromper ; & Arbate tout fin qu’il estoit, n’en avoit pû venir à bout. Non non, ne nous flattons point, reprenois-je, le cœur d’Amestris est d’intelligence avec Megabise : elle est plus coupable que luy : & il ne possede son affection,
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