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aux champs, & qu’elle n’en reviendroit que le lendemain. Neantmoins je jugeay qu’il valoit mieux se donner patience, que de m’exposer à déplaire à Amestris, en luy donnant de mes nouvelles par une autre voye, que par celle où elle avoit accoustumé d’en recevoir. Je ne vous dis point Seigneur, quelles furent mes inquietudes, tant que cette journée dura, dans ce Pavillon du Jardinier où je m’estois retiré, de peur d’estre veû de quelqu’un : Mais je vous diray qu’aussi tost que le Soleil s’abaissa, & que je creus me pouvoir promener sans danger dans les petites routes du Bois taillis, qui environne ce grand Parterre de gazon, au milieu duquel est une Fontaine, comme je vous l’ay déja dit, je m’y en allay ; afin de pouvoir du moins jouïr de la veuë des mesmes lieux, où j’avois veû la derniere fois ce que j’aimois. Je repassois des yeux tous les endroits où Amestris avoit esté : & principalement le lieu où je l’avois veuë assise. Ce fut en cette mesme place, disois-je, que l’incomparable Amestris m’assura d’estre constrante, lorsqu’elle me pria de l’estre : & où elle me permit de penser tout ce qui pourroit conserver Aglatidas, & le luy r’amener fidelle. Le voicy, (poursuivois-je en moy mesme, & comme si je l’eusse veuë) le voicy adorable Amestris, cét Aglatidas, tel que vous l’avez desiré : c’est à dire, le plus amoureux, & le plus passionné de tous vos Amants. Mais aimable Amestris, adjoustois-je encore, vous retrouveray-je ce que vous estiez lors que je vous quittay ? & puis-je esperer de n’avoir rien à combattre que cette severe vertu, qui vous oblige à me refuser les choses les plus innocentes ? Comme je m’entretenois de cette sorte, tout d’un coup j’entrevis à travers les