Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/480

Cette page n’a pas encore été corrigée

quand il seroit vray que je vous aimerois autant, que vous voulez que je croye que vous m’aimez ; Je ne sçay, dis-je, s’il seroit dans l’ordre de vous le dire : & s’il ne vaut pas mieux vous laisser deviner mes sentimens, que de vous les expliquer davantage. Car enfin Aglatidas, adjousta-t’elle, l’absence destruit bien souvent les affections les plus fortes : & s’il arrivoit que vous changeassiez, Amestris ne se consoleroit jamais : si elle vous avoit advoüé, qu’elle se fust trouvée sensible à vostre amour. Ha Madame, luy dis-je, que cette consideration ne vous empesche point de me dire une parole si favorable : & sçachez que lors que je n’aimeray plus l’adorable Amestris, je ne seray plus au monde. Le temps & l’absence, sont deux puissans ennemis, reprit-elle ; Ouy contre les foibles, luy repliquay-je : mais Aglatidas n’est pas de ce nombre là : & vos beaux yeux ont trop puissamment attaché son cœur, pour qu’il se puisse jamais dégager. Mais vous Madame, poursuivis-je, qui estes adorée de toute la Terre ; qui me respondra que quelqu’un de tant d’illustres Rivaux, n’occupera point en vostre ame, une place que vous ne m’y avez pas donnée ? Car Madame, adjoustay-je, apres ce que vous venez de dire, je voy bien que ce n’est qu’à Artambare, que je dois toute la bonté d’Amestris. Vous ne luy devez pas cette promenade, me dit elle en sous-riant, puis que personne ne la sçait : hé bons Dieux Madame, luy dis-je en la regardant, que ne vous determinez vous ? & que ne dittes vous precisément, que vous haïssez Aglatidas, ou que vous l’aimez ? Le premier n’est pas veritable, me repliqua-t’elle, & l’autre ne seroit pas dans la bien-seance, quoy qu’il ne fust pas criminel. Permettez moy donc Madame,