au travers, pour le punir d’un sentiment si lasche, & si indigne d’Amestris. Mais, luy repliquay-je, quand je n’espouserois pas Amestris, peut-estre qu’Arbate n’en seroit pas plus heureux, & qu’un autre le seroit plus que luy : cét autre, me respondit-il, seroit alors pour Arbate, ce qu’Aglatidas luy est presentement : c’est à dire l’homme du monde, de qui il peut le moins souffrir ny la veuë, ny la vie. Car, poursuivit ce furieux, si je vous regarde comme mon Amy, j’ay de la confusion de mes perfidies, sans en avoir de repentir : si je vous regarde comme le vainqueur de mon Frere, il faut que je vange sa honte & sa deffaite : & si je vous regarde comme mon Rival, il faut que je vous haïsse, & que je vous tuë si je le puis. Mais, luy dis-je, voulez vous que je me batte contre vous, avec l’espée de Megabise & que je vous blesse des armes de vostre Frere ? Mon Frere, me respondit-il, est mon Rival aussi aussi bien que vous : & vous n’employerez contre moy, que les armes d’un de mes ennemis, quand vous vous servirez des siennes. Au nom de nostre amitié passé luy dis-je, ne me forcez point à me battre : au nom de nostre haine & de nostre amour presente, me repliqua-t’il, ne discourons pas davantage. A ces mots perdant patience, il s’eslança sur moy tout d’un coup : & je me vy alors forcé de songer à me deffendre. Je fus pourtant encore assez long temps sans faire autre chose que parer, aux coups qu’Arbate me portoit : & je le fis d’autant plustost, que je remarquay que la colere & la fureur luy avoient fait perdre le jugement. Il ne songeoit qu’à me porter : il s’abandonnoit à tous les momens : & si j’eusse voulu, je luy aurois passé cent fois mon espée au travers du corps. Mais voyant la façon dont il se
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