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de la repugnance, leur obeïriez vous sans murmurer ? Je le ferois sans doute, repliqua-t’elle, quand mesme j’en devrois perdre la vie : car je tiens bien plus advantageux pour moy de faire ce que je dois, que de faire ce qui me plaist. Cette vertu est bien severe, luy dis-je, & cette obeïssance me semble un peu trop aveugle : car Madame, quel desespoir seroit celuy d’un homme, qui auroit eu le bonheur d’estre choisi par vos parens, pour estre le Mary de la divine Amestris, s’il venoit à connoistre apres, qu’elle auroit obeï par contrainte ? Je cacherois si bien mes sentimens, respondit elle, qu’il ne connoistroit jamais : Ha Madame, luy dis-je, ne vous y abusez pas : c’est une chose qui ne sçauroit estre : c’est pourquoy, Madame, je vous conjure par tout ce qui vous est de plus venerable, & de plus sacré, de me dire ingenûment en quels termes je suis dans vostre esprit : car Madame, je ne crois pas estre assez malheureux, pour faire que vous ignoriez de quelle façon vous estes dans le mien. Ouy Madame, poursuivis-je, vous sçavez que depuis le premier moment que j’eus l’honneur de vous voir, je vous ay aimée avec une passion sans égale : que je vous ay servie avec un respect, tel que celuy que l’on a pour les Dieux : & que je vous ay adorée en secret, de toutes les forces de mon cœur. C’est donc à vous Madame, à m’apprendre si je dois esperer ou craindre : si vous me souffrez sans aversion, ou si vous m’endurez par complaisance : & c’est à vous enfin, à determiner de mon bonheur ou de mon infortune. Je vous ay desja dit, me repliqua-t’elle, que je n’ay point de pouvoir en ma propre felicité ; & par consequent, je n’en ay guere en celle d’autruy : mais Aglatidas, puis qu’un