mon amour, à un Amy qui me trahissoit ; mon Pere, sans que j’en sçeusse rien, travailloit à ma felicité, comme vous allez sçavoir. J’estois donc fort melancolique, & pour l’absence d’Arbate, & pour la froideur que j’avois remarquée sur le visage d’Amestris : lors que mon Pere m’ayant fait appeller, me proposa le mariage de la Fille d’Artambare, non seulement comme une chose qu’il souhaitoit ; mais comme une chose dont il avoit desja fait parler, & comme une chose presque faite. Seigneur, luy repliquay-je, ce que vous me proposez m’est trop advantageux, pour n’y consentir pas avec joye : mais croyez vous qu’Amestris ait les mesmes intentions ? Amestris, me respondit-il, n’en sçait encore rien : je ne laisse pourtant pas de croire qu’elle est trop bien née, pour desobeïr aux volontez de ses parens, que je sçay qui le desirent autant que moy. Seigneur, luy dis-je, je voudrois bien devoir Amestris à Amestris, & non pas à Artambare : C’est à vous, me repliqua mon Pere, à vous informer des ses sentimens : estant toujours bien aise, de ne trouver point de resistance aux vostres. Je vous laisse à juger Seigneur, quelle fut ma joye, à une si agreable nouvelle : elle fut si grande, que je ne la goustois qu’imparfaitement : & elle excita un trouble en mon ame, qui fit que je ne la sentis pas comme je devois. O Dieux, combien de fois souhaitay-je l’infidelle Arbate, pour estre le tesmoin de ma bonne fortune, & pour luy demander pardon, du desplaisir que Megabise en recevroit ! Cependant comme je trouvois un peu estrangge, que l’on me mariast avec Amestris, auparavant que je l’eusse entretenuë moy mesme de m ? amour ; j’en cherchay l’occasion le lendemain : & je fus assez heureux pour la rencontrer. M’estant
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