peu en desordre ; & qu’elle ne doutoit point qu’elle n’eust beaucoup de marques de despit & de tristesse sur le visage, que l’on auroit pû apercevoir ; elle quitta Arbate, & entra un moment dans sons Cabinet pour se remettre : pendant quoy il sortit de cette Chambre : mais si furieux & si desesperé, que jamais homme ne le fut davantage. L’affliction le posseda de telle sorte, que ne pouvant se resoudre de me voir non plus que Megabise : & ne sçachant pas encore ce qu’il vouloit faire ; il monta à cheval, & s’en alla aux champs pour quelque jours : ordonnant que l’on nous dist, qu’il luy estoit arrivé une affaire importante, qui l’avoit forcé de partir sans nous dire adieu & sans nous voir.
Cependant Megabise & moy qui ne sçavions rien de la verité ; & qui estions au desespoir, de ce qu’Arbate ne nous avoit point rendu conte de la conversation qu’il avoit euë avec Amestris, voulusmes aller chez elle le lendemain : mais l’on nous dit que l’on ne la voyoit pas : & qu’elle se trouvoit mal. Le jour d’apres nous y retournasmes encore, & nous la vismes : mais plus melancolique qu’à l’accoustumée. Il me sembla mesme qu’elle nous traita un peu plus froidement qu’à l’ordinaire : je vous laisse à penser Seigneur, quelle inquietude j’en eus : car comme je croyois qu’Arbate luy avoit parlé de moy, la derniere fois qu’il l’avoit entretenuë ; j’expliquois cela d’une maniere bien cruelle. Megabise de son costé, n’estoit pas plus en repos que j’estois, à ce que j’ay sçeu depuis : & nous passasmes l’apresdisnée avec beaucoup de chagrin. Mais admirez Seigneur, comment la Fortune dispose des choses ! durant que je m’affligeois de cette sorte, & que j’avois donné la conduitte de