beaucoup de marques de colere dans les yeux) que vous ne me connoiſſez plus : Pardonnez moy Madame, luy reſpondit-il, je vous connois bien encore : & je ne puis ignorer, que vous ne ſoyez la plus belle, & la plus aimable perſonne du monde. Mais c’eſt vous, Madame, adjouſta-t’il, qui ne connoiſſez pas le malheureux Arbate : luy, dis-je, qui vous adore, comme l’on adore les Dieux. Luy qui ne conſidere que vous ; luy qui ne cherche que vous ; luy, dis-je enfin, qui meurt, & qui mourra mille fois, pluſtost que de vivre ſans eſtre aimé d’Ameſtris. Vous n’avez donc qu’à vous preparer à la mort, luy reſpondit-elle en l’interrompant ; car Ameſtris ne donne ny ſon eſtime, ny ſon amitié, à ceux qui perdent le reſpect qu’on luy doit. Eſt-ce manquer de reſpect que de vous adorer ? luy repliqua-t’il ; c’eſt en manquer, luy reſpondit-elle, que de me le dire. Devinez donc mes penſées comme les Dieux, reſpondit Arbate ; & comme les Dieux prevenez les vœux & les prieres : & accordez ce que vous ne voulez pas que l’on vous demande. Je n’accorde rien, dit-elle, à ceux qui s’en ſont rendus indignes : non pas meſme la compaſſion, que je n’ay guere acouſtumé de refuſer aux miſerables. Mais Arbate, pourſuivit Ameſtris, je ne veux pas que vous m’entreteniez davantage : & je vous deffends meſme de me voir jamais. En diſant cela, elle s’en voulut aller, mais il la retint : Puis que c’eſt la derniere fois, luy dit-il, que je dois avoir l’honneur de vous entretenir, Il faut Madame que vous m’eſcoutiez, tant que je voudray parler : & que je vous face connoiſtre Arbate pour ce qu’il eſt : afin qu’auparavant que vous l’ayez abſolument perdu, vous ſongiez bien ſi vous avez raiſon de le perdre. Je ne le connois
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