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il vouloit, sans estre entendu de personne. D’abord, la conversation fut de choses indifferentes : mais comme il avoit son dessein caché ; & qu’il vouloit la faire tomber insensiblement dans un discours, qui facilitast ce qu’il avoit à luy descouvrir ; Madame, luy dit il, je vous trouve aujourd’huy dans une solitude, qui ne vous est pas ordinaire : & qui ressemble fort à celle dont vous m’avez retiré. Je m’estimerois bien glorieuse, luy respondit-elle, si je pouvois croire que ce fust à ma consideration, que vous vous fussiez redonné à vos Amis : mais il y a bien plus d’aparence, que les persuasions, de Megabise & d’Aglatidas, ont enfin eu ce pouvoir sur vous : que de croire que j’y aye contribué quelque chose. Megabise & Aglatidas, reprit-il, n’ont pas tant de pouvoir sur moy que la belle Amestris : vous estes donc fort injuste, respondit elle ; car selon mon sens, ils ont bien plus de droit d’y en pretendre qu’Amestris : qui n’en veut avoir sur personne que sur elle mesme. Ce que vous vous reservez, Madame, repartit Arbate, vaut sans doute beaucoup mieux que tout le reste de vostre Empire : quoy que vous regniez absolument, sur tous ceux qui ont l’honneur de vous approcher : Et en mon particulier, je le prefererois tousjours à toutes les Couronnes du monde. Si la difficulté d’aquerir quelque chose, respondit elle, luy donne un nouveau prix, vous avez raison d’estimer celle-là : estant certain qu’il n’est pas aisé d’avoir jamais un pouvoir absolu sur le cœur d’Amestris. Ce seroit trop, Madame, que de vouloir regner Souverainement, en un lieu si glorieux, repliqua Arbate ; & je connois des gens, de qui l’ambition se contenteroit à moins : & qui se croiroient heureux, si on les advoüoit pour Esclaves.