il ne voulut pas par respect rentrer dans la Ville : & il s’en alla chez ce Sacrificateur auquel il avoit parlé la premiere fois qu’il fut au Temple de Mars : ayant fait depuis avec luy une amitié fort particuliere. Aussi tost qu’il y fut, & que l’on eut donné ordre à ce qu’il faloit pour ses blessure, il envoya Feraulas vers le Roy & vers la Princesse, pour leur demander pardon, & pour les suplier de ne le condamner pas sans l’entendre.
Comme Chrisante vouloit continuer son recit, le Roy de Phrigie arriva : qui venant de chez Ciaxare, interrompit cette narration, pour dire à tout cette illustre Compagnie, que ce Prince estoit inflexible : & quil paroissoit tousjours plus irrité contre Artamene. Ha ! (s’écrierent tout d’une voix le Roy d’Hircanie, & tous ces Princes, qui venoient d’entendre ce que Chrisante avoit dit) si vous sçaviez quel est cét Artamene dont vous parlez, vous le pleindriez encore beaucoup davantage. Il seroit difficile, reprit le Roy de Phrigie, que cela peust estre : car j’ay une si prodigieuse estime pour luy, qu’il n’est pas aisé de m’interesser plus que je le suis, en la conservation d’un si Grand Homme. Vous changerez pourtant de sentimens, respondit le Roy d’Hircanie, quand vous connoistrez veritablement Artamene : & vous confesserez, adjousta Persode, qu’il ne fut jamais un Prince si illustre que luy. Un Prince, reprit precipitamment le Roy de Phrigie ; Ouy Seigneur, repliqua Hidaspe, & des plus considerables du monde. A ces mots le Roy de Phrigie se mit à les presser tous, de luy dire ce qu’ils en sçavoient : & tous voulurent luy en raconter quelque chose. L’un luy vouloit parler de sa naissance ; l’autre exageroit sa valeur ; l’autre luy vouloit dire quelques particularitez de son