plus aux Ennemis, ne pouvoient pas changer la face des affaires. Voyant donc ces douze Soldats s’en aller, avec une fermeté admirable ; Vaillans hommes, leur cria-t’il, revenez prendre vostre argent, & recevoir la liberté que vous avez si bien meritée : Vous avez vaincu, mes Compagnons, leur dit-il encore ; & si vous eussiez esté à la derniere Bataille, le Roy vostre Maistre nous auroit deffaits. Ces Soldats aussi surpris de la generosité d’Artamene, qu’il l’avoit esté de la leur ; ne sçavoient s’ils devoient adjouster foy à ce qu’il disoit. Mais enfin ils connurent que la chose estoit vraye : & en ayant adverty leurs Capitaines, ils en jetterent des cris de joye & d’estonnement, qui firent retentir tous les rochers d’alentour, du glorieux nom d’Artamene. Ainsi on laissa dégager ces braves gens d’entre ces Vallons où ils s’estoient embarrassez : qui furent publier dans leur Camp, la generosité de mon Maistre : auquel le Roy de Pont envoya aussi tost un Trompette, pour le remercier tres civilement de cette bonté.
Mais Seigneur, je ne songe pas, que j’abuse de vostre patience : & que la passion que j’ay pour Artamene m’emporte trop loing : revenons donc s’il vous plaist, aux choses les plus importantes de mon recit. L’Hyver estoit desja commencé, lors que cette derniere Bataille fut donnée : qui se vit suivie peu de jours apres, de la prise de cette Ville, que Philidaspe estoit allé assieger : & où certainement il avoit agi en homme de cœur & en Capitaine. Ciaxare ayant donc eu tant d’heureux succés, en une Campagne de huit mois, rapella Artamene & Philidaspe : qui apres avoir mis toutes les Troupes en leurs quartiers d’Hyver, & avoir veû que l’Ennemy en avoit fait autant ; se