Ouy, Seigneur, poursuivit l’un d’eux ; & c’estoit effectivement à Artane que s’adressoit le Billet qui fut trouvé dans le Camp du Roy de Pont : par lequel mon Frere & moy l’asseurions que tous les quarante Chevaliers estoient resolus de ne combattre qu’Artamene, & de tuër Artamene : mais celuy qui le luy devoit rendre, & qui nous avoit parlé de sa part, le perdit parmy nos Tentes. Si bien qu’ayant esté porté au Roy, il fut cause de l’advis qu’il vous donné : car comme Artane, ny pas un des Conjurez n’y estoit nommé, & que mon escriture que j’avois desguisée ne fut connuë de personne ; il sçeut bien la conjuration, mais il n’en pût descouvrir, ny l’autheur, ny ses complices : & ce fut pourquoy, comme je l’ay dit, il envoya vous en advertir ; ne pouvant pas y remedier par la en advertir ; ne pouvant pas y remedier par la punition des coupables, puis qu’il ne les connoissoit point. Croyez donc, Seigneur, que c’est Artane qui nous a subornez : que c’est luy qui desesperé de la mauvaise action qu’il a faite ; & d’avoir esté vaincu par vous d’une façon si honteuse pour luy ; & si prejudiciable à l’amour qu’il a pour la Princesse de Pont, dont il est amoureux ; a voulu vous perdre. Et pour se pouvoir restablir aupres de son Prince, il s’est trouvé desguisé à cette Bataille : où ne doutant point que vous ne deussiez perir par la partie qu’il vous avoit dressée ; il pretendoit se monstrrer apres le combat avec vos Armes ; & si j’ose dire tout, avec vostre teste à la main, comme vous ayant vaincu : afin que le Roy de Pont le remist en grace, pour avoir sur monté le plus vaillant de ses ennemis : Mais, Seigneur, la justice des Dieux & vostre valeur, en ont disposé autrement : & c’est maintenant à vous, à disposer de nostre fortune & de nostre
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